« Bonne alimentation », genre et réseaux sociaux au Maroc

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Hajar ElAlami

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Comme toute activité sociale, l’alimentation humaine est régie par un ensemble de normes qui diffèrent d’une société à une autre et d’une époque à l’autre. Certaines de ces normes sont dictées formellement par la loi mais d’autres sont inscrites dans le quotidien de manière plutôt informelle (Becker, 1985). 

Les progrès en télécommunication, notamment celui d’internet avec les différents moyens d’expression qu’il permet, ouvre la voie à de nouvelles conditions de productions de normes alimentaires. Des blogueur.se.s, des youtubeur.se.s, ou des membres de groupes Facebook sont impliqué.e.s dans cette production de normes. Des discours sur le « bien manger », la « bonne alimentation » (makla meziana), les « aliments bons pour la santé » (makla sihiya, makla mziana lisiha), Alimentation saine (akl salim), et même la « healthy food » dans un registre de normes à l’échelle internationale, fleurissent sur la toile. Si le thème de la bonne alimentation est présent dans les discours quotidiens des mangeurs urbain.e.s, sur internet, où la parole est sans doute plus libre  (Cardon, 2010) , son contenu est encore plus riche et contrasté.

La présente communication explore les discours sur l’alimentation de femmes et d’hommes dans un groupe Facebook en particulier : (Kouzintna) Notre cuisine. Le choix de ce groupe est motivé par  un ensemble de caractéristiques. Premièrement, c’est un groupe de cuisine mixte, une caractéristique que l’on trouve rarement dans les groupes Facebook dédiés au contenu culinaire, généralement féminins. Deuxièmement, les significations données à la « bonne alimentation » diffèrent grandement en fonction du moment de leur publication. Celles de 2019, c’est-à-dire avant la crise sanitaire du COVID-19, ne sont pas toujours les mêmes qu’en 2020, c’est-à-dire au moment de celle-ci. De plus,les échanges de ce groupe permettent d’avoir davantage de données sur les représentations genrées, question que nous avons creusé au travers d’entretiens compréhensifs avec les membres de ce groupe.  Ainsi, le thème de cette communication est l’alimentation dans les réseaux sociaux numériques d’un point de vue genre. Elle questionne les sens accordés par les mangeurs à une « bonne alimentation » sur l’espace virtuel, les représentations qui y sont associées et les manières dont ces représentations ont été modifiées/impactées suite à la crise sanitaire en cours , celle du covid-19 et comment cela touche-t-il les rapports hommes/femmes. Comment, dans leurs discours, il.elle.s se représentent une « bonne alimentation », et quelles différences, quels points communs et quels points de ruptures y’a t il entre les représentations des femmes et des hommes ? Renouent-elles avec d’autres normes plus anciennes, « traditionnelles », ou locales, ou, au contraire, ont-elles une portée plus novatrice ? Les hommes et femmes sont-il.elle.s dans des positions de renforcement des normes alimentaires genrées marocaines ou essayent-il.elle.s d’innover, et, dans ce cas, comment s’y prennent-ils.elles ? En quoi ces aspirations peuvent-elles nous renseigner sur les transformations des rapports de genre à l’heure actuelle au Maroc.

Dessin Maroc